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Penser le bien commun

Photo du rédacteur: Dominique RamarlahDominique Ramarlah

Dernière mise à jour : 21 sept. 2021

Nous voici déjà dans la deuxième année du projet. La campagne agricole 2021-2022 débutera en octobre en même temps que la prochaine saison des pluies.


Cette fois-ci, l’objectif principal consistera à valoriser les initiatives des paysans dans la gestion communautaire des terres. En premier ordre, il s’agira essentiellement de maintenir la dynamique paysanne en s’appuyant sur la co-construction (OS1).


Afin qu’un projet soit réellement durable, il est indispensable de tenir compte du contexte socio-culturelle. Co-piloter un tel projet nécessite une immersion dans la compréhension des valeurs du groupe et de la culture locale.


Chacune des huit familles retenues la première année a œuvré sans difficulté insurmontable au cours de la première année. Toutefois, une certaine inertie semble persister concernant la gestion des parcelles communes. Il en est de même pour la réalisation des démarches administratives auprès des autorités pour transformer le collectif paysan en association de droit malagasy selon l’ordonnance 60.133 du 03 octobre 1960.


Nous nous questionnons alors sur cet obstacle invisible mais omniprésent résumé par l’expression

"Samy mandeha, samy mitady".

Selon Yvon Josian RAKOTONARIVO – géographe passionné d’anthropologie :


« C'est l'expression marquant une individuation à outrance. Littéralement, c'est "que chacun aille où il veut, et que chacun trouve (ce qu'il cherche)".


C'est en fait dû à une individuation, commencée durant les temps des royaumes malgaches en Imerina. Le roi Andrianampoinimerina (1787 à 1810) a commencé à mettre en place l'impôt dit "isan'olo miaina" (la capitation). Par ailleurs, il y eut aussi par exemple le "isam-pangady" au prorata de nombre de bêches par foyer puis le "isan-ketra" pour 0,8 hectare par famille.


Ensuite la période coloniale a imposé la capitation coloniale, le "hetra isan-dahy" devant être payé en monnaies sonnantes et trébuchantes.


Ceci a entraîné une obligation d'aller chercher ce qu'on doit en se salariant dans les concessions coloniales. Ceux qui ne peuvent point en trouver sont obligés d'être "engagés" dans ces mêmes concessions – là où on peut trouver des sous !


Dans un pays où se célèbrent l'union, l'entraide et les groupes de parenté, l'union qui fait la force, l'entraide... cette individuation à outrance a mené vers un tout report sur soi (individu) et non plus sur le groupe de parenté (terak'i X, taranak'i Y, famosora, savaregna etc...).


Vers les années 1980-1990, l'expression réapparaît dans les milieux populaires pour dire que je me fous de toi et des autres, "samia mandeha, samia mitady". Y sont compris autant les travaux rémunérés les plus proches géographiquement, que les migrations lointaines jusqu'au Sambirano pour des Antandroy et Bara.


Ce départ est dénommé "mandeha mitady ravin'ahitra". Et si jamais on en revient bredouille, les malgaches disent "tsy nahita ravin'avaratra".


Partir chercher une herbe plus verte ailleurs est donc devenu une démarche plutôt individuelle dans cette population à 75% paysanne. Et quand on n’a pas trouvé cette promesse d’une nature plus généreuse, la communauté désigne ce semblant d’échec par l’expression « ne pas avoir trouvé de feuilles » ou rentrer sans billets de banque.


Toutefois, Yvon RAKOTONARIVO nous rassure que :


« Il y a tout de même des "leviers" sur lesquels on peut se baser non sur l’individu mais plus sur le groupe comme :

  • "mitabe tsy lanin'ny mamba", passons à gué à plusieurs pour éviter de se faire avoir par le caïman ;

  • "entan-jaray mora zaka", un fardeau est moins lourd pour plusieurs porteurs

Mais les groupes interpelés sont généralement ensemble au regard de la parenté (biologique) « hava,akaiky, hava lavitra, savaregna, famosora, foko etc.. » et des parentés artificielles éventuelles (fatidrà, vakirà, ziva, lohateny, mpikifanompa...).

L'"autre différent", à moins qu'il ne soit dans le même terroir reste toujours "étrange", sinon "étranger" (vahiny, ampenjika, vazaha ...) et il est ainsi digne de méfiance. Il peut être un "fahavalo" comme du temps où les communautés voisines "foko" s'attaquent l'une l'autre.

Ce qui entretien dans un certain sens, cet individualisme tous travaux ou vision en regroupements d'individus. Là où les "autres" sont encore recherchés est quand la mort frappe le groupe ("manana manjo" "misy manjo" disent-ils. Lors des secondes funérailles « havoria", des obsèques "fandevenana", des "asa lolo" il y a toujours du monde.


Réconforter la famille éplorée s’accompagne aussi d’un festin avec du zébu. On ne sacrifie pas un zébu pour des broutilles "tsy vonovoina foana ny aombe" disent-il. Le tout arrosé généreusement d‘alcool « taoka » ; avant c'était par dames jeannes et actuellement par dizaine de jerrican."


Ce lien dans l’épreuve d’un deuil, le collectif paysan Tantsaha Mizara l’a vécu récemment lors des deux décès qui ont frappés deux familles respectifs.

Les représentants des 10 familles devant la mairie de la commune d'Ampefy


Cette photo prise le 14 septembre 2021 nous montre la capacité des paysans de jouer ensemble pour le bien commun : Les dix familles ont déposé une demande ce création de l'association TANTSAHA MIZARA !


Entre hyperindividualisme et mondialisation comment faire société ?

Le diplomate Jean-Marie Guéhenno (Secrétaire général adjoint au Département des opérations de maintien de la paix de l'Organisation des Nations unies 2000-2008) met en garde contre le mauvais usage de la démocratie et de l'absence d'utopie. (1)

 

Pour aller plus loin :

  • M. Totté, P De Leetner, Y. Rakotonarivo "Les agricultures familiales entre technique, économie et politique" sept 2017, Inter-Mondes Belgique.

  • A. Marie "Communauté, individualisme, communautarisme : hypothèses anthropologiques sur quelques paradoxes africains" 2007 Sociologie et sociétés, vol 39, n°2, pp 193-194)

  • R. Lenoir "La solidarité familiale une question morale ?" in Paugam "Repenser la solidarité" 2007 Puf.

  • Bélières "L'organisation familiale" 2015.

  • France Culture Entre individualisme et mondialisation : comment faire encore société ? (21.09.2021) La grande table (1).

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